short stories

Messiers Lemieux et Raté étaient garagistes sur la même rue. En bons voisins, en dépit d’une certaine rivalité, ils avaient ouvert leurs garages un mercredi.

Chaque garagiste avait travaillé de son mieux pour l’ouverture. Non, mais pouvez-vous imaginer tous les détails qui doivent être prises en compte lors d’une telle ouverture? Il fallait ranger l’espace, acheter les outils nécessaires, mettre une mince couche de peinture à l’intérieur du garage – il faut que ce soit beau, disaient les conjointes de deux garagistes, chacune bien établie d’un côté de la ruelle – aviser les autorités pour obtenir les permis requis… et, surtout, trouver le nom. Ben, oui, le nom de l’affaire, vous savez, celui qui nous hantera toute la vie, qui sera utilisé pour la publicité, car n’est-ce pas, la publicité est l’âme du commerce.

Ouf, pour le nom de son garage, M. Lemieux avait passé des nuits blanches. Sa conjointe aussi, d’ailleurs. Papillotes sur la tête et camisole rose-bombonne, elle avait assisté sans répit son mari dans le choix du nom. Oui, garage, qu’elle disait, mais pas n’importe lequel  mon chéri, il s’agit de notre garage. Et en disant cela, elle plissait ses lèvres et ses paupières, tout en se corrigeant vite, car elle avait une peur bleue des rides. Non, les rides, mais quelle horreur. Une fois qu’on a un, il faut courir pour le botox! Un fait c’est sûr, avec l’ouverture du garage l’argent est compté, elle ne peut pas se permettre les rides. Les kilos, oui, c’est différent, son Lemieux l’avait toujours aimé un peu plus rondelette.

De l’autre côté de la rue, Mme Raté, fraîchement revenue de France avec maintes robes et chaussures et quelque 10 kilos de moins, accablait son mari avec les mêmes observations.

La vérité est que les deux femmes ne sont pas des amies. Loin de là! Elles s’épient depuis leurs emménagements respectifs, se saluent poliment, sans plus. Non, mais m’as-tu-vu, qu’elle peste dans sa tête Mme Lemieux à l’égard de Mme Raté qui arbore victorieuse ses tenues parisiennes. Une dinde grosse embellie de ses papillotes à l’heure du coucher, qu’elle lui reproche dans sa tête Mme Raté.  

Bon, le mercredi du lancement. Tout le voisinage est sorti se promener dans la rue pour voir les garages, leurs heureux propriétaires et  surtout les deux dames assises sur des bancs devant leurs portes d’entrée respectives. Mme Lemieux rondelette, sans un sourire, mais avec sa peau blanche comme le lait et ses cheveux blonds regarde le monde avec confiance : son mari porte bien son nom.
Sur son banc, Mme Raté arbore avec fierté sa tenue parisienne et regarde avec confiance l’avenir. Un garagiste peut faire fortune dans cette ville. C’est vrai qu’il y aura deux garagistes, mais bon….

 Regardons aussi les noms des garages marqués sur les devantures des portes en question :

Garagiste Lemieux et…  Pneu Raté

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